Morlaye Fory, triste fin pour le premier gardien de but de Guinée

Comme toute créature ayant marqué son passage ici bas sous le ciel, le premier gardien de but de l’équipe nationale de Guinée a répondu à l’appel du Créateur. Camara Morlaye Fory s’en est allé le mardi 14 août à Conakry. Il laisse dans le deuil une République de Guinée fière du service qu’il lui a rendu en tant que footballeur, mais qui tarde encore à mettre en place un canevas convenable dans lequel ses célèbres serviteurs pourront passer leurs derniers jours sur terre avant de s’en aller pour l’éternité.

Morlaye Fory débute dans sa ville natale de Kindia comme apprenti mécanicien avant de faire ses premiers pas de gardien de but au sein de l’Association sportive de Kindia (ASK) en 1943. Entre 1956 et 1957, il est recruté par un club dénommé SSG basé à Conakry. Morlaye Fory y passe deux ans puis rentre à Kindia.

A l’indépendance en 1958, les nouveaux dirigeants mettent en place l’ossature de la toute première équipe nationale de football de Guinée.

« Je fus le premier à être convoqué », témoigne Morlaye Fory – assis sur une chaise en plastique bon marché – lors de l’unique interview accordée à notre ancien collaborateur Marc Sarah travaillant actuellement pour la banque Ecobank. (Cf : Le Populaire n°169 du 27 mai 2009).

Le Syli national est constitué quelques années plus tard après plusieurs stages en Hongrie, Tchécoslovaquie et Allemagne de l’Est.

Le kindianais entre dans l’histoire du football par la grande porte. A l’appel du devoir, il fait aussi équipe avec d’autres joueurs du Syli dans le légendaire Hafia FC.

Au Populaire, il parle de son passé avec fierté. Il redit avec insistance que ses «camarades» et lui ont consacré « les trois quarts de (leur) vie à jouer au football » pour « l’honneur de la nation et la défense des couleurs de notre pays ». A l’époque, la Guinée a brillé sur le plan continental par sa politique sportive portée par le vent du panafricanisme qui soufflait depuis Conakry sur l’Afrique de l’Ouest.

A la chute du régime Sékou Touré en 1984, le pays passe de l’économie de type socio-communiste au libéralisme pur. L’avènement de l’économie du marché fait s’opérer un changement à l’électrochoc.

Le Syli devient le Franc guinéen. L’Etat se désengage de la gestion de plusieurs entreprises. Le vent de la privatisation fouette la plupart des équipes sportives et des orchestres jadis nourris et choyés par l’Etat. Sportifs et artistes de tous rangs connaissent une longue traversée de désert. Les rares revenus pour certains et la pension de retraite pour d’autres ne suffisent plus à faire bouillir la marmite une fois par jour. La « situation » de celui qui fut avec Joe Louis et Yoro Diarra les premiers à composer l’équipe du Syli national « n’est pas enviable » non plus.

Par l’entremise du ministre Jean Kolipé Lamah et d’autres le président Lansana Conté accorde au premier gardien de but de l’équipe nationale de football de Guinée un logement de fonctionnaire à la cité de Coronthie près du gouvernorat en centre-ville de Conakry.

Malgré cela, Morlaye Fory vit « difficilement » ses derniers jours. Comme d’autres anciennes gloires sous le régime défunt, l’enfant de Kindia n’a pas le « minimum vital ». Il éprouve même la « honte » de recevoir chez lui en famille ses homologues des autres pays d’Afrique de passage à Conakry, jouissant quant à eux d’une retraite exemplaire et d’un traitement spécial pour service rendu à la patrie qui les place au rang des personnalités devant mener une vie enviable afin d’encourager l’excellence chez les autres citoyens et par dessus-tout symboliser l’expression de la reconnaissance de toute la nation à un de ses valeureux fils.

C’est dans cet état d’esprit que Morlaye Fory passe de longues années à trainer son pied droit entamé par les séquelles laissées par la branche d’un arbre qui lui est tombée dessus.

Le Populaire du 27 août 2018

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