Cas Foniké Menguè et Billo Bah: le Cabinet ”Bourbon et Associés” écrit au Parlement européen

Dans un courrier adressé à Mounir Satouri, président de la sous-commission des droits de l’homme du Parlement européen, le cabinet “BOURDON et associés”, représentant le front national pour la défense de la constitution (FNDC), a fermement condamné la disparition d’Oumar Sylla “Foniké Menguè” et Billo Bah depuis le 9 juillet 2024. Il sollicite une intervention urgente concernant l’enlèvement et la détention de ces deux activistes par les forces spéciales et le GIGN de la République de Guinée. Par ailleurs, ce cabinet exige que ces “prisonniers politiques”, soient mis en liberté de toute urgence ou que leurs corps soient rendus à leurs familles s’ils sont décédés

Nous vous proposons ci-dessous, l’intégralité de cette lettre adressée au parlement européen. Lisez:

Monsieur le Président,

Nous avons l’honneur de vous écrire en qualité de Conseils du Front National pour la Défense de la Constitution (FNDC) de Guinée.

Depuis le 9 juillet 2024, jour de leur disparition, nous sommes sans la moindre nouvelle de deux membres du FNDC de premier plan, Messieurs Foniké MENGUE et Billo BAH1. Cette absence de toute information plonge les familles, ainsi que le FNDC dans une sourde inquiétude.

Il nous apparaît que cette situation relève des compétences naturelles de votre commission, tant la gravité de la situation l’impose.

En outre, selon l’article 3 du traité sur l’Union européenne:

« L’Union a pour but de promouvoir la paix, ses valeurs et le bien-être de ses peuples (…) 5. Dans ses relations avec le reste du monde, l’Union affirme et promeut ses valeurs et ses intérêts et contribue à la protection de ses citoyens. Elle contribue à la paix, à la sécurité, au développement durable de la planète, à la solidarité et au respect mutuel entre les peuples, au commerce libre et équitable, à l’élimination de la pauvreté et à la protection des droits de l’homme, en particulier ceux de l’enfant, ainsi qu’au strict respect et au développement du droit international, notamment au respect des principes de la charte des Nations unies. ».

Selon l’article 21:

« 1. L’action de l’Union sur la scène internationale repose sur les principes qui ont présidé à sa création, à son développement et à son élargissement et qu’elle vise à promouvoir dans le reste du monde : la démocratie, l’État de droit, l’universalité et l’indivisibilité des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le respect de la dignité humaine, les principes d’égalité et de solidarité et le respect des principes de la charte des Nations unies et du droit international »

Or la présente situation engage des considérations ayant trait à la liberté individuelle de deux activistes disparus et, de manière plus générale, à l’engagement de la Guinée dans un véritable processus démocratique. En effet, ce processus est nécessairement entravé par toutes les menaces qui pèsent aujourd’hui sur la société civile, dont l’enlèvement des deux activistes est l’une des dernières illustrations.

Aujourd’hui, l’enjeu est crucial. Il est celui de la lutte contre l’impunité alors que l’écoulement du temps permet progressivement aux autorités d’échapper à leurs responsabilités. En l’absence de réaction d’autorités fortes, elles persisteront dans la même attitude. Il s’agit d’une attitude de mépris, mais également de déni. Le déni est celui de la réalité des enlèvements et de l’endroit où se trouvent les deux activistes qui sont peut-être encore en vie au moment où nous écrivons ces lignes.

Le 9 juillet 2024, selon la belle-sœur du coordinateur national du FNDC Oumar SYLLA et les témoignages recueillis, un contingent d’éléments mixte des Forces Spéciales (FS) et du Groupement d’Intervention de la Gendarmerie Nationale (GIGN) ont pris d’assaut le domicile de Monsieur Foniké MENGUE avec un déchaînement de violence inouï. Présents lors de cet assaut, Messieurs Foniké MENGUE et Billo BAH y ont été interpellés par les forces gouvernementales.

Pourtant, à notre plus grande stupéfaction, le parquet général près la cour d’appel de Conakry soutient dans un communiqué qu’aucun organe d’enquête n’a procédé à aucune interpellation .

Cette situation est gravissime car cela signifie qu’il est pour l’heure impossible d’avoir des nouvelles des personnes arrêtées.

Il est peu dire que la lecture de ce communiqué a glacé le sang de ceux que nous défendons depuis maintenant plusieurs années car il vient renforcer les inquiétudes très légitimes des familles.

Nous déplorons plus généralement ces disparitions à la lumière des multiples alertes déjà exprimées par le passé.

Il ne fait aucun doute que ces arrestations sont directement en lien avec les activités politiques et opinions de Messieurs Foniké MENGUE et Billo BAH.

Ces disparitions s’inscrivent dans le cadre de violations très graves aux droits de l’Homme en Guinée.

Nous vous rappelons notamment que :

–Selon l’organisation Amnesty International, la répression des manifestations en Guinée a fait au moins 47 morts ;

– Selon les récents travaux de l’ACAT, « l’usage de la force létale par les agents d’application des lois fait rarement l’objet de réelles enquêtes et les auteurs de tirs mortels illégaux ne répondent quasiment jamais de leurs actes devant la justice guinéenne faute de volonté politique. Cela doit changer.»

Il résulte d’une communication de la FIDH que :

«L’Observatoire rappelle que ce n’est pas la première fois que Mamadou Billa Bah et Oumar Sylla sont visés par les autorités guinéennes pour leurs activités légitimes de défense des droits humains. Oumar Sylla avait déjà été arbitrairement arrêté le 5 juillet 2022, puis relaxé le 8 juillet 2022. Il a de nouveau été arbitrairement arrêté le 30 juillet 2022, avant d’être libéré le 10 mai 2023, puis acquitté le 13 juin 2023. Mamadou Billo Bah a quant à lui été arrêté le 21 janvier 2023 puis libéré le 10 mai 2023. D’autres membres du FNDC et de TLP, tels Ibrahima Diallo ou Djanii Alpha, font régulièrement l’objet de détentions arbitraires et de harcèlement de la part des autorités.

L’Observatoire condamne fermement la disparition forcée de Mamadou Billo Bah et Oumar Sylla, qui ne semble viser qu’à entraver leurs activités légitimes de défense des droits humains.

L’Observatoire exhorte les autorités guinéennes à révéler immédiatement le sort de Mamadou Billo Bah et Oumar Sylla et l’endroit où ils se trouvent, à leur octroyer un accès immédiat et inconditionnel à leurs avocats et à des soins médicaux, et à leur permettre de recevoir la visite de leurs familles.»

Le 30 aout 2024, un certain nombre d’organisations non gouvernementales ont exigé la libération de Oumar Sylla et Mamadou Billo Bah en ces termes:

Les autorités guinéennes doivent immédiatement diligenter une enquête impartiale, indépendante et transparente sur les disparitions forcées des militants de la société civile Oumar Sylla et Mamadou Billo Bah dont on est sans nouvelles depuis plus de sept semaines, ont déclaré Amnesty International et 17 organisations guinéennes de défense des droits humains à l’occasion de la Journée internationale des victimes de disparition forcée.

Nous demandons à ce que Messieurs Foniké MENGUE et Mamadou BILLO BAH, prisonniers politiques, soient mis en liberté de toute urgence ou que leurs corps soient rendus à leurs familles s’ils sont décédés. Nous vous demandons solennellement d’œuvrer en ce sens.

Nous vous demandons de prendre toutes les mesures en votre pouvoir pour que des initiatives soient prises afin de favoriser la libération des deux activistes et de demander des comptes immédiats aux autorités guinéennes. Il s’agit d’une question aussi bien centrale qu’urgente dans la préservation des droits en Guinée, déjà si fortement mise à l’épreuve par la persistance de la junte au pouvoir.

Nous vous prions de bien vouloir agréer, Monsieur le Président, l’expression de notre haute considération.

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