3e mandat pour Alpha Condé: « Je suis étonné du silence de la Cour Constitutionnelle », réagit M. Barry

Mamadou Aliou Barry est revenu dans cette interview sur la volonté de tripatouiller la constitution pour un troisième mandat pour Alpha Condé. Il évoque aussi le cas Toumba Diakité. (suite et fin de l’interview)

Selon vous à quoi peut-on s’attendre ?

Je comprends qu’en Guinée, les gens sont préoccupés par le quotidien. Les gens n’ont pas le temps pour la réflexion. Quand le Président de la République dit à Singapour en Malaisie ailleurs il y a pas de limitation, mais est-ce qu’il a lu ces constitutions ? A Singapour, le président est élu pour 6 ans.

Deuxièmement, il a prêté serment sur une constitution. Je suis étonné du silence de la Cour Constitutionnelle. C’est-à-dire que le président de la Cour Constitutionnelle était là devant le président de la république où le Président de la République a juré sur cette constitution de respecter l’esprit et la lettre. On n’entend pas la cour constitutionnelle.

Récemment, M. Sall est sorti pour dire qu’il ne sera pas question qu’on tripatouille la constitution pendant son magistère.

Et c’est le troisième match sur lequel où tout en étant d’accord avec le président de la république pour dire coupons le cordon ombilical avec la métropole, tout étant d’accord sur ça, il y a un désaccord que j’ai avec lui où il n’y a pas d’adéquation entre sa parole et ses actes, c’est sur la constitution. Toutes les constitutions des pays d’Afrique francophone, c’est la copie conforme de la constitution française. Je pense ici me souvenir que vous aviez invité ici le sociologue Barry Bano qui, avait dit que c’est une réunion des copains et des coquins qui ont rédigé une constitution.

Qu’est ce que les gens qui ont fait au temps du CNT, ils sont partis voir au Bénin, au Sénégal, en France mais tout ça, c’est une copie conforme pratiquement avec quelques petits aménagements de la constitution Française. Dans un pays où on a le culte de la personnalité, le culte du chef où on sort de 26 ans de dictature de Sékou Touré, on fait une constitution où on donne tout le pouvoir au président de la République et on se donne que le président de la République ne s’accroche pas même moi, si on me met à la tête de ce pays dans cette constitution, je vais demander 4 à 5 à 6 mandats parce que j’ai le pouvoir absolu.

Là, la contradiction du président, il fallait qu’il refuse cette constitution avant de prêter serment pour revenir dire, je préfère un troisième mandat. Mais à mon avis, c’est aussi ma lecture personnelle, il a fait ces sorties pour occuper les Guinéens. C’est-à-dire en ce temps les gens ne l’emmerdent pas. La deuxième chose que je veux dire, si le président souhaite c’est-à-dire s’engage dans cette voie, d’abord le pays est fragile. Je peux vous dire que c’est fini pour la cohésion sociale, c’est une crise totale en Guinée. Je pense qu’il doit s’inspirer même de ce qui s’est passée chez son ami Blaise Compaoré. D’abord, il a le problème de l’âge ça c’est complètement physiologique. Si vous regardez aujourd’hui le président de la république ,c’est normal moi-même à 73 ans à 80 ans, je ne serai pas comme je suis.

Le Pouvoir use parce que les gens ne dorment pas. Regardez Obama depuis qu’il est sorti de la maison blanche, il est redevenu jeune, regardez Hollande depuis qu’il n’est plus candidat, il a bonne mine. Regardez le président aujourd’hui surtout depuis comme la Guinée où toute petite dispute lui remonte, même le divorce ou une petite dispute matrimoniale lui remonte, les problèmes du quartier lui sont remontés. Il ne dort pas, il voyage. Il a 82 ans. Il dit qu’en 2020, il aura peut être 87 ans. Comment il peut imaginer physiquement ou physiologiquement de faire un troisième mandat ?

Parlons du dossier 28 septembre. Le président Alpha Condé a déclaré que certains sont accusés à tort dans le dossier du massacre du 28 septembre. Qu’en dites-vous ?

Moi, c’est la déclaration que m’a beaucoup plus inquiété. Le dossier du 28 Septembre comme vous venez de le rappeler, l’observatoire venait d’être créé. Le jour ou Benn Jawi allait au Camp Alpha Yaya pour auditionner Dadis, moi j’étais dans la voiture d’ailleurs. C’est à son retour qu’il m’a dit, il faut quitter le pays. Moi quand on a tiré sur Dadis, j’étais à Ouaga. J’ai quitté la Guinée sur les conseils de Benn. Le dossier du 28 septembre est un dossier complexe à mon avis et ça, ça n’engage que moi. Je pense que le ministre de la Justice a une volonté réelle pour organiser ce procès.

Je ne pense pas que la Guinée peut organiser ce procès. D’abord pour des raisons des matériels, on ne peut organiser ce procès, c’est un procès lourd. C’est un procès de crimes contre l’humanité. Vous avez vu le procès sur Housseine Habré (ancien président tchadien), il a fallu des mois, des années pour préparer le Sénégal. Et on a fait des cours africaines extraordinaires. Moi, j’ai toujours plaidé depuis l’époque de la commission internationale, j’ai toujours plaidé pour un tribunal spécial pour ce procès donc avec un mélange des juges guinéens et des juges africains, à la limite, c’est délocalisé de Conakry.

Je pense que ce procès ne doit pas se tenir à Conakry. Ça doit être à l’intérieur du pays mais avec les aménagements qu’ il faut construire. Ce qui est inquiétant ,c’est pour la stabilité du pays. Ça, c’est le géopolitologue qui parle, on est dans un régime fragile. La preuve, aujourd’hui, vous avez Toumba qui est en prison. Les gens qui sont nommément mis en examen, c’est-à-dire ce n’est même pas quelque chose de secret leur nom figure sur le rapport de la commission, ils ont été inculpés par le juge. Donc on ne peut pas en même temps mettre Toumba en prison et laisser les autres dans leurs postes de responsabilité.

Je prends un exemple très simple. On ne peut pas laisser par exemple Thiégoro, ministre, alors qu’il est cité, il a été inculpé. Le ministre de la Justice doit demander à ce que ces gens là soient mis en congé de leurs fonctions. Deuxième point, il y a d’autres qui sont cités. Je donne un exemple ici M. Isto kéira est nommément cité dans le rapport de la commission Internationale pour avoir nettoyé le stade. Comme voulez faire une justice cohérente quand il y a des acteurs qui occupent les postes. C’est quand même difficile de travailler avec des gens qui ont des responsabilités. Ce que les victimes demandent, ce que les activistes de droit de l’homme demandent, c’est quand même que ces gens-là soient mis en congé de leur fonction jusqu’à ce qu’il y ait le procès.

Maintenant, quand le président de la République dit des gens qui sont nommés ne sont pas coupables sur quoi il se base ? Le Ministre de la Justice doit monter au créneau pour rééquilibrer les choses parce qu’il faut toujours dans le bon sens ses interventions. Il a le souci d’organiser ce procès, mais les déclarations du président n’arrangent rien. Là aussi la cour constitutionnelle doit monter au créneau pour rappeler au président de la République, la séparation de pouvoirs.

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