Habib Kazdaghli : « L’école est le lieu du savoir, pas de la religion »

Dans les pays du Maghreb, de plus en plus, des islamistes tentent d’imposer leurs signes et leurs normes dans l’espace scolaire. Pour se défendre, les écoles doivent se doter d’un règlement clair, estime Habib Kazdaghli, le doyen de l’université de la Manouba, en Tunisie.

En 2012, il a failli aller en prison en raison de son combat contre l’emprise des salafistes sur son université. Habib Kazdaghli, doyen de la faculté des lettres, des arts et des humanités de la Manouba (Flahm), est une des figures de la lutte contre le salafisme en Tunisie. Il s’en est fallu de peu que son université devienne un « Manoubistan ». Aujourd’hui, le conservatisme gagne de plus en plus les écoles dans les pays du Maghreb. À l’occasion de chaque rentrée scolaire, les islamistes s’attaquent aux programmes scolaires et aux enseignants qui ne sont pas à leur goût.

Il en est allé ainsi, le vendredi 15 septembre dans la ville de Sfax, lorsqu’un groupe de parents d’élèves a humilié une enseignante, l’accusant de mécréance. Ou encore en Algérie, où la ministre de l’Éducation nationale, Nouria Benghebrit, a une nouvelle fois croisé le fer avec les conservateurs au sujet de la disparition d’une formule islamique dans certains livres scolaires (« Bismillah », « au nom d’Allah »). Au Maroc, même si le roi reste un rempart contre les islamistes, une polémique avait éclaté l’année dernière sur la réforme des manuels de philosophie et d’éducation islamique.

Dans cette interview, Habib Kazdaghli la façon dont le champ de bataille des islamistes s’est déplacé à l’école.

Jeune Afrique : Quelle est votre réaction après l’humiliation subie par votre collègue de la ville de Sfax qu’on a accusée de mécréance ?

Habib Kazdaghli : En tant que défenseur de l’école républicaine, je condamne fermement ce qui lui ai arrivé. Ces actes doivent être bannis dans un établissement scolaire. Les parents d’élèves n’avaient pas le droit de s’attaquer directement à cette enseignante. Ce que j’ai trouvé regrettable, c’est que le délégué régional de l’Éducation ait demandé à cette dernière, sous prétexte de la protéger, de formuler par écrit sa demande de mutation. Il lui a dit que que si elle refusait, il allait tenir un conseil pour l’obliger de partir. Heureusement que la réaction de sa hiérarchie au ministère de l’Éducation nationale a été positive, en dépêchant une commission d’enquête sur les lieux.

En 2012, vous avez vécu la même humiliation au sein de votre université lorsque des salafistes ont voulu imposer le voile intégral (niqab). Que retenez-vous de cette expérience ?

À l’époque, les habitants des quartiers avoisinants avaient déferlé sur l’université pour me faire dégager de mon poste. Ils disaient que je n’avais pas respecté ce que les salafistes voulaient imposer, c’est-à-dire l’ouverture d’une salle de prière dans l’établissement et l’obligation du port du niqab pour les filles. Le ministre de de tutelle (dans le gouvernement de l’islamiste Hamadi Jebali) n’avait pas défendu notre université. Heureusement que la société civile s’était mobilisée.

JEUNE AFRIQUE

Be the first to comment

Leave a Reply

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*


Conakry web