Le président nigérian Muhammadu Buhari a reçu vendredi les écolières de Dapchi, libérées par le groupe Boko Haram, au cours d’une réunion ternie par l’absence de l’une d’entre elles, une chrétienne, toujours retenue par le groupe pour avoir refusé de se convertir à l’islam.
« Nous avons négocié (avec les ravisseurs) uniquement pour être certains qu’aucune de ces filles ne serait mise en danger. Cette stratégie a été payante car toutes les filles ont été relâchées sans incident », a déclaré le président Buhari devant des journalistes à sa villa présidentielle à Abuja.
Il s’est engagé à retrouver le « moindre citoyen kidnappé au Nigeria ».
« Alors que les parents des filles de Dapchi sont en train de se réjouir car elles sont de nouveau réunies, je souhaite dire à la communauté de Chibok qu’il ne faut jamais perdre espoir. Nous sommes déterminés comme jamais auparavant à ramener les filles de Chibok » (nord-est du Nigeria), a-t-il déclaré alors qu’une centaine d’entre elles sont toujours retenues par Boko Haram quatre ans après leur enlèvement.
Le kidnapping massif à Dapchi, quasi semblable à celui de Chibok (Etat de Borno) en 2014, a réveillé de douloureux souvenirs.
Le groupe jihadiste mène depuis 2009 une insurrection sanglante dans le nord-est du Nigeria. Ses attaques, et la répression par l’armée, ont fait plus de 20.000 morts et 2,6 millions de déplacés. Il a kidnappé des milliers de personnes, dont des femmes et des enfants.
A l’époque, Muhammadu Buhari, dans l’opposition, avait vivement critiqué l’inaction du président Goodluck Jonathan. L’ancien général avait alors promis de mettre fin à l’insurrection du groupe jihadiste, et a été élu un an plus tard, en 2015.
L’armée et les autorités nigérianes ne cessent de répéter que le groupe jihadiste est « techniquement vaincu », mais l’évènement tragique de Dapchi a mis en lumière les graves failles sécuritaires qui continuent à mettre le nord-est du pays à genoux. Il fallait donc agir rapidement pour le président Buhari pour ramener les jeunes filles de Dapchi à leurs familles, et se démarquer de son prédécesseur.
Au total, 104 des 110 étudiantes enlevées le 19 février dernier dans leur pensionnat à Dapchi, dans l’Etat voisin de Yobe (nord-est), ont été rapatriées. Elles ont été libérées par leurs ravisseurs de manière rocambolesque, en plein jour, créant la surprise dans le pays et soulevant des interrogations sur d’éventuels versements de rançons.
– Leah Sharibu-
Une de ces écolières, selon ses camarades, une chrétienne qui a refusé de se convertir à l’islam, est toujours entre les mains des ravisseurs, vraisemblablement dans une des îles sur le Lac Tchad.
Le président Buhari s’est engagé à faire libérer cette écolière, Leah Sharibu, alors que les tensions entre musulmans et chrétiens ont été ravivées ces derniers mois au Nigeria.
« C’est décourageant de savoir que l’une de ces filles, Leah Sharibu, est toujours en captivité », écrit M. Buhari sur son compte Twitter. « Nous allons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour la ramener saine et sauve », a-t-il ajouté.
Les écolières, toutes vêtues de longs hijabs colorés, étaient venues en avion depuis Maiduguri, capitale de l’Etat de Borno, jusqu’à Abuja mercredi soir.
« Au nom de toutes, nous voulons vous remercier d’avoir sauvé nos vies et de continuer à nous faire vivre », a déclaré une jeune écolière de Dapchi, Fatimah Bashir, devant le président Buhari.
Le président nigérian avait reçu 82 lycéennes de Chibok – libérées en échange de prisonniers en mai 2017 – , trois ans après leur enlèvement qui avait provoqué une indignation internationale.
Selon des experts, les rançons versées et les prisonniers libérés, en échange de la libération d’une centaine de lycéennes de Chibok, ont pu motiver Boko Haram à commettre un nouvel enlèvement de masse.
– « Génération perdue d’enfants » –
Mais la capacité de Boko Haram à réussir un nouveau kidnapping de cette ampleur a de nouveau donné un coup de projecteur sur la faible protection des écoles dans le nord-est du Nigeria, un des pays les plus peuplés d’Afrique.
Boko Haram, dont le nom signifie en langue haoussa « l’éducation occidentale est péché », ont régulièrement ciblé les écoles laïques depuis le début de l’insurrection armée en 2009.
Selon l’agence des Nations unies pour l’enfance, l’Unicef, plus de 2.296 enseignants ont été tués et environ 1.400 écoles ont été détruites dans le nord-est du pays.
A la dernière rentrée scolaire, l’Unicef a indiqué qu’au moins 57% des écoles dans le Borno étaient fermées, craignant de voir « une génération perdue d’enfants, menaçant leur avenir et celui du pays ».
AFP
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