Le maire de Dakar Khalifa Sall a été condamné vendredi à cinq ans de prison pour escroquerie portant sur des fonds publics et faux, une décision qui l’écarte de la course à la présidentielle sénégalaise de février 2019.
Dissident du Parti socialiste, qui l’a exclu en décembre avec d’autres ténors de la « jeune garde » de cette formation de la coalition présidentielle pour « violences, indiscipline et activités politiques concurrentes » à celle de la direction, Khalifa Sall impute ses déboires judiciaires à son statut d’opposant au chef de l’Etat Macky Sall.
Des attroupements de partisans du maire de Dakar se sont formés devant le Palais de justice de la capitale, sous haute tension après l’annonce du jugement et sous surveillance de la police anti-émeutes.
Les abords du tribunal étaient quadrillés par les forces de l’ordre, plusieurs heures avant, a constaté un journaliste de l’AFP.
« Nous allons interjeter appel, c’est évident. Nous allons nous concerter avec nos clients », a déclaré à l’AFP Me Cheikh Khouraissi Bâ, un des avocats du maire de Dakar.
La fin de la lecture de la décision du tribunal correctionnel de Dakar – qui l’a relaxé de plusieurs autres chefs d’accusation dont ceux de détournement de fonds publics, d’association de malfaiteurs et de blanchiment de capitaux – a été interrompue par les protestations des partisans du maire, massés dans la salle d’audience, a constaté un journaliste de l’AFP.
L’escroquerie portant sur les deniers publics et le détournement de deniers publics étaient retenus contre M. Sall. « Les mêmes faits ont été doublement qualifiés », a dit le juge Malick Lamotte, dans son jugement. Il a écarté le délit de détournement de deniers publics « en application (de la règle) du non cumul des infractions ».
« La justice sénégalaise aujourd’hui s’est affaissée. Le président Macky Sall a fait une commande que le juge (Malick) Lamotte (président du tribunal) a exécutée », a déclaré à la presse Moussa Taya, conseiller politique de Khalifa Sall.
Le maire de Dakar était souriant en sortant de la salle d’audience pendant que plusieurs de ses partisans étaient en larmes ou adressaient des propos hostiles au tribunal.
Les gendarmes et les gardes pénitentiaires ont aussitôt renforcé la sécurité autour des juges qui ont ensuite quitté la salle d’audience.
« Aujourd’hui Khalifa est dans la prison mais dans le coeur de tous les Sénégalais », a réagi à la sortie Makhtar Diaw, adjoint au maire d’une commune de Dakar. « La peine la plus lourde aurait dû être trois ans, mais aujourd’hui, si on le condamne à cinq ans, c’est pour l’empêcher d’arriver aux élections », a-t-il affirmé.
– 110 fausses factures –
Le parquet avait requis le 16 février sept ans d’emprisonnement à son encontre, la défense réclamant la relaxe pure et simple pour Khalifa Sall et ses sept collaborateurs.
Ils étaient poursuivis pour un détournement présumé de 1,83 milliard de FCFA (2,8 millions d’euros) entre 2011 et 2015. Le montant a été finalement ramené par le tribunal à 1,65 milliard de FCFA (environ 2,5 millions d’euros).
Khalifa Sall, en détention préventive depuis plus d’un an, a également été condamné à une amende de 5 millions de francs CFA (7.622 euros). Le directeur administratif et financier de la Ville de Dakar, Mbaye Touré, a écopé des mêmes peines de prison et d’amende que Khalifa Sall.
Un autre responsable du budget de la Ville, Yaya Bodian a été condamné à cinq ans ferme et une secrétaire de M. Sall écope de deux ans, dont six mois ferme. Deux autres agents municipaux sont condamnés à un an ferme. Les deux percepteurs ont été relaxés.
« Il ressort qu’en sa qualité d’ordonnateur, Khalifa Sall a apposé sa signature au verso de 110 fausses factures » entre 2011 et 2015. Il a également procédé « aux certifications de fournitures » de produits prétendument achetés par la Ville de Dakar et qui se sont révélées « fausses », a déclaré M. Lamotte.
« Khalifa Sall avait la claire conscience de la fausseté de ces informations », a-t-il ajouté.
Se défendant de tout enrichissement personnel, les prévenus assuraient que les fonds litigieux étaient « politiques », à l’usage discrétionnaire des élus, une notion rejetée par le tribunal.
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