L’Union des forces démocratiques (UFD) a conféré ce jeudi 28 juin 2018 avec les médias à la maison de la presse de Guinée. Au cours de cette rencontre, Mamadou Baadiko Bah leader de l’UFD a longuement échangé avec les journalistes sur la situation sociopolitique du pays.
Nous vous proposons l’intégralité de la déclaration de l’UFD lue par son président.
1. 8 mars 2018 : Remember 27 aoû 1977 Les femmes en colère
Au cours de ce premier semestre de lannée 2018, la Guinée a connu dimportants changements politiques, sinon de véritables bouleversements qui marqueront à nen pas douter, un nouveau tournant historique pour le pays.
Des élections communales différées depuis 2010 se sont enfin tenues le 4 février 2018. Les contestations et les violences qui sen sont suivies dépassent et de loin, tout ce que nous avions connu dans le passé. Quatre mois après la proclamation officielle des résultats, les élus ne sont toujours pas installés! Dans le même temps, une grève générale paralysait tout le système éducatif, avec la menace dextension à dautres secteurs. Des manifestations massives de femmes en colère contre la misère, les conditions de vie insupportables et lincurie des pouvoirs publics, éclataient à Conakry-Kaloum, siège des institutions. La société civile de son côté, jadis laminée et réduite en appendice des partis politiques, commençait à se réveiller, pour dénoncer avec force la corruption généralisée et limpunité qui sont de règle depuis trop longtemps.
Cest dans ce contexte de tensions politiques et sociales extrêmes et de mécontentement généralisé que le Président Alpha Condé a fait une déclaration fracassante devant les femmes réunies au Palais du Peuple le 8 mars 2018, pour célébrer la Fête internationale des Femmes. Après avoir deux jours auparavant, déclaré avec force quil ne ferait jamais de remaniement ministériel sous la contrainte, il annonça des changements profonds dans léquipe gouvernementale pour répondre aux revendications du peuple pour une vie meilleure. Dans son envolée, il alla même jusquà promettre que désormais, il ne travaillera plus avec ces ministres corrompus qui viennent le flatter et lui caresser les pieds pour lui servir des mensonges sur la situation réelle sur le terrain. Lheure était effectivement grave. Beaucoup nont pas manqué de faire un parallèle entre ces chaudes journées de février-mars 2018 et les grandes manifestations de femmes du 27 août 1977 qui ont marqué le commencement de la fin du régime dictatorial et sanguinaire du PDG.
Mars 2018 mai 2018 : une campagne électorale dun genre nouveau
Mais ce discours plein de promesses de changement dans la façon dont les affaires de lEtat étaient conduites jusque là et qui a produit les résultats catastrophiques que lon sait, sonna comme louverture dune boîte à pandore. De façon incroyable, on assista à un battage médiatique sans précédent orchestré par les innombrables candidats aux postes de chef du futur gouvernement ou ministres. Pendant trois mois, le pays complètement à larrêt, a vécu sous le tintamarre de cette campagne électorale dun nouveau genre, quoique totalement indigne dune démocratie. Des promesses plus fallacieuses les unes que les autres, des curriculum vitae ronflants avec des diplômes ramassés dans la sciure, fleurissaient sur le net. De viles calomnies étaient abondamment distillées sur les concurrents potentiels. Sorciers, marabouts, charlatans et faiseurs de rois sen donnaient à cur joie et profitaient de laubaine pour se remplir copieusement les poches.
Fait nouveau dans cette foire dempoigne pour circonvenir le chef lEtat : les échos de toutes les tractations, toutes les négociations, tous les marchandages, toutes les pressions des lobbies régionalistes, arrivaient sur la place publique! Les médias nous en livraient des morceaux au jour le jour. Leurs informations bien que qualifiées dédaigneusement de rumeurs, nont pratiquement jamais été démenties par les faits, jusquà la fin.
Gouvernement de dinosaures, de revenants et de repêchés Quelle crédibilité ?
Lannonce de la nouvelle équipe a eu leffet dune douche froide pour tous ceux qui espéraient que le Président de la République allait enfin tirer les leçons des échecs de sa politique en mettant en place une équipe crédible, capable de traduire les réformes tant attendues dans les faits, afin de faire prendre au pays un nouveau départ, après tant despoirs déçus. Après avoir dit avec force et à plusieurs reprises en 2010 quil ne travaillerait pas avec des anciens dignitaires du régime du Général Lansana Conté, le Président de la République a été contraint de leur faire la part belle, avec plusieurs postes-clés. Plus de la moitié des membres de léquipe précédente sont reconduits. Mais le plus intéressant dans ces mouvements cest le repêchage de la majorité des anciens ministres non reconduits comme ministres-conseillers à la présidence. Cest devenu presque une loi non écrite : pour leur fermer la bouche, les ministres limogés ont « droit » à un lot de consolation : ministres sans portefeuille, « ministres flottants », ou « ministres sans bureau ». Toute une petite armée, pendant quon clame que lEtat na pas assez de ressources pour faire face à ses obligations minimales vis-à-vis des populations.
Le décret de nomination du gouvernement le 26 mai 2018 a donné lieu à un cafouillage honteux qui a jeté une lumière crue sur la situation dramatique dans laquelle le pays est tombé : aucun ministre de lélevage nest nommé, alors que ce poste figure bien dans lorganigramme du gouvernement. On apprit par la suite que le pressenti avait catégoriquement refusé doccuper un tel poste qui ne répond sans doute pas à ses ambitions. Cest un « petit ministère » dont le budget ne représente même pas 0.03% du budget national ! Quelques jours après, limpétrant, selon ses exigences, était nommé en grande pompe au ministère de lenvironnement. Ya bon ce qui reste des forêts guinéennes avec nos amis Chinois et tous les prédateurs de toutes sortes! Tout ceci est confirmé par le fait que le ministre désigné à lélevage a reçu de sa communauté lordre de rendre le tablier, au motif « quil ny avait rien à bouffer ». On croirait rêver! Mais le scandale ne sarrête pas là. Des révélations ont été faites dans les médias sur les postes achetés par certains, à coup de milliards. Nous attendons toujours que les corrupteurs et les corrompus présumés portent plainte pour diffamation afin que la vérité éclate. Plus grave encore, le gouvernement comprend un ministre nommément mis en cause dans des affaires de corruption à grande échelle dans un procès toujours en cours en Belgique.
Sachant quil était très attendu sur le chapitre de léthique, de la lutte contre la corruption généralisée et de le détournement des deniers publics, le nouveau Premier ministre a annoncé en grande pompe que lui et ses pairs du gouvernement avaient rempli leurs obligations constitutionnelles, en se conformant à larticle 36 de la Constitution sur la déclaration de leurs biens. Nous disons bravo ! Après toutes les dénonciations incessantes depuis 2010 notamment par lUFD et des organisations de la société civile – voilà une disposition constitutionnelle jadis royalement ignorée qui est en voie dêtre enfin respectée. Mais hélas, il faut craindre que cette bonne nouvelle ne soit quun subterfuge, comme les élites guinéennes en ont lart depuis 60 ans pour tromper le peuple. Ici, les effets dannonce tiennent lieu de réalisations. Nous attendons impatiemment de voir si ces Messieurs iront jusquau bout de leur logique en faisant publier intégralement les déclarations des biens au journal officiel, comme requis par la Constitution. Sachant que litinéraire professionnel de chacun est connu, les citoyens pourront eux-mêmes vérifier les déclarations sur lhonneur déposées. La justice aura certainement du grain à moudre pour que les intéressés apportent la preuve de lorigine licite de leur patrimoine. Mais plus sérieusement, pour que la bonne foi des uns et des autres soit établie, il faut absolument que tous responsables astreints à la déclaration des biens, sans exception, se plient à leurs obligations constitutionnelles.
Dès après linstallation du nouveau gouvernement, il a été annoncé la destitution des directeurs de lOffice Guinéen de Publicité (OGP) et de lOffice Guinéen des Chargeurs (OGC), à la suite daudits sur leur gestion. Là aussi, nous aurions applaudi à tout rompre, sil ny avait pas de graves questions à se poser à ce sujet. Les deux jeunes gens qui sévissaient depuis des années dans leur entreprise para-étatique très juteuses, étaient connus pour être des chouchous du Président et pouvaient se croire tout permis, y compris même de contester son autorité. Ce sont des golden boys, flambeurs, claquant ostensiblement et en toute impunité, des sommes faramineuses à chacune de leur apparition publique. Mais alors pourquoi ceux là et pas dautres ? Depuis des lustres, on nous promet la publication des audits sur les détournements massifs au temps du régime du Général Lansana Conté. On attend toujours. Depuis 2010, nous avons eu droit à de nombreux audits sérieux de la gestion du patrimoine public. Des fraudes massives sur les marchés publics, notamment les marchés de gré à gré érigés en norme, y sont dénoncés avec force détails. On peut dire quil y a dans les tiroirs autant de rapports daudit accablant les gestionnaires de deniers publics que de rapports restés lettre morte de colloques, des états généraux ou des commissions de réflexion sur les sujets les plus divers. Mais on na jamais vu de véritable procès ni aucune action concrète couronnée de succès. Le ministère chargé des audits et du contrôle économique et financier qui existait bien en 2011 est passé à la trappe depuis 2016. On attend toujours les résultats concrets des rapports de la nouvelle Cour des comptes laborieusement installée après plusieurs années dattente. Des faits de corruption sont livrés quotidiennement dans les médias, sans aucune action sérieuse à lencontre des mis en cause. Le Président de la République, dénonce, crie, tempête, menace, mais ses ouailles ont appris à sy habituer et à gérer ses humeurs. Il ne se passera rien car, ils savent quils sont sa base sociale et de ce fait ne risquent rien, à la seule condition de respecter les règles du jeu.
En fait, les deux infortunés ont été victimes de ce que nous appelons dans notre jargon, des « audits à tête chercheuse ». Ils se sont pris au jeu et ont imprudemment franchi une ligne rouge en se permettant de contester leur hiérarchie et en cherchant à se fabriquer une mouvance aux frais de la princesse. Ils apprendront à leurs dépens que cest inacceptable. Dans notre système, comme depuis toujours, limpunité est de règle. Les entreprises para-étatiques sont des machines à caser des pistonnés et des « mangeoires » gérées le plus souvent dans lopacité totale, malgré lunicité de caisse instituée en 2011. Sans compter que sauf erreur, les morceaux les plus juteux comme le Patrimoine bâti et lAgence de Régulation des Postes et Télécommunications échappent toujours et de façon incompréhensible au régime de droit commun de lunicité de caisse.
Les dures leçons dun remaniement ministériel accouché dans la douleur
Au premier quinquennat du Président Alpha Condé, en janvier 2011, nous avons eu droit à un « gouvernement de remerciement ». Cette équipe choisie, non pas pour ses compétences ou sa probité mais presque exclusivement en remerciement pour les services rendus lors de lélection présidentielle de 2010, sest illustrée par ses cafouillages, ses ordres et contre-ordres, linertie face à des urgences, ses tâtonnements, son amateurisme et surtout par les nombreux scandales dont elle a été accusée par les rapports daudit cités précédemment. Tous les investisseurs sérieux qui avaient accouru à larrivée du nouveau président ont fini par plier bagages. En matière dinvestisseurs, ne nous restent que les francs-tireurs des mines et surtout les cimentiers, pollueurs à grande échelle.
Au deuxième quinquennat, en janvier 2016, nous avons eu le « gouvernement de technocrates apolitiques ou gouvernement de mission » dont on nous avait assuré quil allait enfin relever tous les défis du développement et rattraper le retard accumulé. Malheureusement, là aussi, le miracle na pas eu lieu. Des querelles de compétence éclataient entre des ministres dont certains se donnaient en spectacle jusque dans des conférences à létranger. Certains ministres étaient congédiés sine-die, tant ils traînaient des casseroles. Plus dramatique, certains membres de léquipe gouvernementale étaient accusés « douvrir plus souvent leur braguette que leurs dossiers », selon les termes jadis utilisés par un chef dEtat célèbre. En deux ans dexercice et devant tant déchecs et de blocage politique, le Président n’avait pas dautre choix que de les remercier.
Les choix politiques du Président de la République pour sa nouvelle équipe
Avec léquipe entrante du 26 mai 2018, nous voilà sauvés, ou presque! Cependant, à lexamen, on se rend compte que le choix du Président sest porté principalement sur des personnages qui méritent notre attention, tant le retour en arrière est évident pour celui qui a toujours été le chantre du changement. Nous avons dabord des personnes réputées pour être les plus décriées et les plus discréditées, à la pire époque de la fin du régime du Général Lansana Conté. Ensuite, nous avons de sinistres personnages dont toutes les références idéologiques sont tirées du système dictatorial et sanguinaire du PDG qui a dévoré même leur géniteur! Ceux-là sont des revanchards impénitents, nostalgiques inconsolables des arrestations arbitraires, des pendaisons publiques, des exécutions massives dinnocents et des tortures de la « Cabine technique » au Camp Boiro de sinistre mémoire. Ils nous ont dailleurs prévenus que « la recréation est terminée ». En termes plus clairs, lespace de liberté chèrement conquis par le peuple de Guinée depuis la chute de la dictature en 1984, cest terminé. Ce sont eux qui étaient les pousse-au-crime à la fin du pouvoir du Général Lansana Conté en janvier 2007 et qui étaient les conseillers occultes et très influents du Capitaine Dadis Camara en 2009, lors des massacres et les viols du 28 septembre 2009 au Stade de Donka. Ils ont longtemps rongé leurs freins dans lombre et pensent sans doute lheure des règlements de comptes arrivée. A la réflexion, on comprend mieux pourquoi la Guinée était en janvier 2017 parmi les pays de lUnion Africaine partisans du retrait collectif des Etats africains de la Cour Pénale Internationale (CPI). Les criminels africains des années soixante à quatre vingt pouvaient massacrer impunément leur peuple dans un huis clos total, car la Guerre froide aidant, personne ne bougeait. Les héritiers de ces criminels enragent de ne pouvoir emboîter le pas à leurs prédécesseurs. Mais ils ne le savent sans doute pas, aujourdhui, ce nest plus possible. Les peuples ont pris conscience de leurs droits et la Communauté internationale en a pris acte. Nen déplaisent à ceux qui rêvent dun retour en au « bon vieux temps ». LHistoire peut bégayer, mais le sens de sa marche sera toujours vers lavant, vers le progrès et la liberté. Le crime, quil soit politique, économique ou de droit commun na jamais payé et ne payera pas. A bon entendeur salut.
On prend les mêmes et on recommence
Tout le système politique guinéen né après ladoption de la Loi Fondamentale en 1990 est bâti et repose sur les anciens caciques du PDG. Malgré tous nos appels à la tenue dune Conférence Nationale, Vérité Justice Réconciliation, notre pays traîne toujours en les aggravant, les tares des systèmes précédents. La cruelle vérité que peu de gens connaissent dans notre pays, est que ce sont les caciques et les piliers du régime du Général Lansana Conté qui, en 2010 ont donné le pouvoir au Président Alpha Condé et non son parti, le RPG comme on pourrait être tenté de le croire. Mais comme on le voit aujourdhui, cette belle stratégie de récupération avait ses limites. Le Président a sans doute estimé quil lui serait facile avec le temps de se débarrasser de ses mentors ou ses amis encombrants, afin de mener sa propre politique. Ceût été possible, mais à condition de changer radicalement de cap, en tournant complètement le dos aux pratiques corruptrices antérieures et en sappuyant sur le peuple qui sétait révolté en 2007 contre le régime du Général Lansana Conté. Malheureusement, avec lapprofondissement du système communautariste, la continuité a primé sur le changement. Et progressivement, ces éléments parmi les plus rétrogrades, les plus extrémistes du régime du général Lansana Conté et les plus haïs du peuple, ont su faire profil bas pendant huit ans. Ils ont patiemment attendu leur heure en tissant leur toile daraignée dans le système et ont fini par gagner. Le Président à qui ces gens ont manifestement forcé la main lors du dernier remaniement, ne peut pas faire autrement que de les satisfaire en leur concédant des postes stratégiques dans son équipe. Certains estiment même que désormais, il est leur otage, avec une marge de manuvre extrêmement réduite. A ce stade, personne ne sait qui des deux alliés va réussir à se débarrasser de lautre. Avec ce système mafieux reposant essentiellement sur la corruption effrénée et généralisée, les trafics dinfluence et les échanges de bons procédés, les alliances temporaires des clans, tout est hélas possible. Comme disait un philosophe, « il est toujours dangereux de se croire plus malin que tout le monde ; gare à leffet boomerang ».
Retour sur le régime du Général Lansana Conté
Tous ces développements nous amènent à revenir sur lappréciation qui peut être faite à postériori de laction du Président Lansana Conté. Arrivé au pouvoir par les hasards de lHistoire et sans lavoir particulièrement cherché, il a très tôt placé son action sous le signe du démantèlement du système dictatorial du PDG. La paysannerie guinéenne se souvient encore de lui comme de lhomme qui a dissout la milice, mis fin aux exactions contre la population, ouvert les prisons-camps de la mort, mis fin à la « norme » (livraisons forcées de produits agricoles ou de bétail) et rétabli les libertés fondamentales. A ses collaborateurs, il navait de cesse que de dire : « Moi, je ne connais pas ; mais si vous pensez que cest bon pour le pays, faites le ». Malheureusement, avec lhéritage du système corrompu du PDG, cette attitude faite dhumilité et de patriotisme ne pouvait pas donner les résultats attendus. Beaucoup de ses collaborateurs lont trahi en servant exclusivement leurs propres intérêts. Sous la houlette des conseillers politiques étrangers, il na pas voulu de la Conférence nationale qui aurait pu ouvrir la voie à des réformes durables et à un véritable changement de cap après 26 ans de règne de la dictature du PDG. Au plan économique, sous la dictée des bailleurs de fonds internationaux, il a démantelé le système de capitalisme dEtat totalitaire du PDG pour laisser faire un libéralisme sauvage basé, sur le négoce, la rente minière et laide internationale. Ce système ultra-libéral, corrompu, anti-progressiste, porteur de graves injustices sociales, est toujours en place. Dans les 15 premières années de son règne, il y a eu dimportantes réalisations économiques et sociales parmi lesquelles il faut citer : les infrastructures routières bitumées, les pistes rurales bien faites, le pont sur la Fatala, le pont sur le Niger à Siguiri, le barrage de Garafiri, la mise en place du grand complexe agro-industriel de la SOGUIPAH, la réforme du système éducatif et de santé. Extrêmement modeste, il répugnait à safficher lors de linauguration de ses réalisations, se contentant de répéter : « mon principe est de faire et laisser dire ». Malheureusement, au fil du temps et surtout après la mutinerie-coup dEtat du 2 février 1996, tous ces acquis ont été progressivement annihilés par la corruption grandissante et lentrée en lice des mafias des mines et les narco-trafiquants. Profitant de sa maladie invalidante, les clans mafieux constitués autour de sa famille, ont continué à gouverner à sa place dans leur intérêt exclusif. Cest pour cette raison que le premier Président de lUFD, le Professeur Alfa Ibrahim SOO lui avait adressé une lettre ouverte en forme de supplique pour quil en reste à ses acquis positifs et ne se représente plus à la fin de son deuxième mandat en 2003. Il na hélas pas été entendu. Pour lUFD qui a toujours été dans lopposition à son régime, nous avons le devoir de rappeler tout ceci.
Le système communautariste guinéen
Depuis lindépendance en 1958, la constitution guinéenne est fondée sur une communauté nationale vivant dans un Etat unitaire. Malheureusement, la sortie de la transition sest faite non pas dans ce sens, mais plutôt dans la droite ligne de la campagne électorale de 2010, qui, au lieu de favoriser un débat politique fécond, a été presque exclusivement basée sur des combinaisons ethnicistes. Ce système communautariste en vigueur depuis 2011 na jamais été codifié. Il sexerce dans les faits et non dans les textes. Il a été magistralement énoncé par le Général Facine Ture en mai 2011. Il repose sur une supposée division du travail, un système de castes en quelque sorte. Les uns ont en main lessentiel des leviers politiques et lappareil dEtat, tandis que les autres doivent soccuper de leurs affaires privées avec en prime, des fonctions électives sans pouvoirs réels, mais bien rémunérées. Mieux, « le chef de file de lopposition », censé représenter les « autres » est lui aussi grassement rémunéré par le pouvoir en échange de ses bons et loyaux services. Dans les faits il existe une parfaite complicité entre le pouvoir et lopposition qui ont les mêmes intérêts. Curieusement la Guinée partage ce système avec des « démocraties sans alternance » aussi célèbres que le Togo et le Tchad. Partout ailleurs, lopposition pour vivre, doit se contenter de fonctionner avec des prélèvements sur les émoluments de ses élus. Même les contributions privées aux partis politique sont strictement règlementées et transparentes. Cest ce que nous avons appelé le condominium politico-ethnique basé sur le partage du gâteau entre ses deux composantes. Ce verrouillage de la vie politique guinéenne autour de deux ou trois partis est encouragé par la Communauté internationale qui ne reconnait que deux ou trois partis comme interlocuteurs sur la scène politique guinéenne. Nous ne doutons de la bonne foi du Général Facine Ture lorsquil a défendu cette idéologie éculée. Il était sans doute soucieux de garantir une certaine justice sociale, en empêchant une petite minorité de saccaparer de la plus grande partie des richesses nationales. Il a eu lhonnêteté de dire ce quil pense alors que des millions dautres Guinéens partagent cette vison. Malheureusement, ce système mafieux de partage juteux des rôles entre les membres de lélite, comme on le voit, repose sur la prédation systématique de la fortune publique et le népotisme, laissant la grande majorité de la population, toutes communautés confondues, dans la misère extrême, la faim, la malnutrition, les maladies sans soins, le manque déducation de qualité et le chômage et lexode massif. Il est la pire source de linjustice au détriment des plus pauvres, au profit des castes qui contrôlent le pouvoir politique et le pouvoir économique. Il est évident que toutes les communautés nont pas le même niveau de développement, mais lerreur fondamentale a été de mettre dans le même sac, en bloc toutes les composantes sociales des différentes communautés. Les souffrances infligées au peuple de Guinée par ses élites depuis 1958 sont largement partagées, quelque soit la région. Nous sommes donc bel et bien installés dans un système communautariste rétrograde, anti-progressiste et qui ne permettra jamais à la Guinée de sortir de la misère et du sous-développement.
Sortir la Guinée de la décadence et de la descente sans fin aux enfers
On est presque gêné davouer que notre pays est indépendant de la puissance coloniale depuis 60 ans, tant le bilan est désastreux ! Quel jeune Guinéen conscient peut-il dire aujourdhui quil est fier de son pays ? Interrogez pour cela les milliers de jeunes qui errent dans le désert du Sahara ou qui attendent une occasion de traverser la Méditerranée à la nage, au péril de leur vie pour tenter de trouver ailleurs ce que leur pays leur refuse. Lhorizon est complètement bouché. Le pays est devenu un véritable enfer pour ses pauvres habitants. Lurgence est partout. Aucun problème de la vie quotidienne nest réglé. Les gouvernants et leurs complices peuvent se permettre tous les abus possible, en toute impunité et servir des discours sans fin. La République de Guinée est bardée dinstitutions de façade de toutes sortes qui sont incapables de jouer le rôle de contrepoids et de contrôle face à un pouvoir exécutif omnipotent et absolu. Elles ne sont que des organes budgétivores, distributrices de prébendes. On voit bien que la solution non plus ne peut pas venir des élections car il ny a rien à attendre ni du pouvoir ni de lopposition. Les élections tenues dans ces conditions ne résolvent fondamentalement aucun problème de nos pays. La Centrafrique est là pour nous le rappeler. Le nud du problème guinéen cest lattitude des élites face aux biens publics. Si nous néradiquons pas la corruption, la prévarication et lenrichissement illicite, notre pays nira nulle part, sinon vers plus de misère, plus de souffrances pour le peuple, le chaos et la désintégration, quel que soit lhomme ou le parti au pouvoir. Pour prévenir cette issue apocalyptique inéluctable pour notre pays, il ny a rien de plus simple que de commencer par le commencement pour tout Etat démocratique qui se respecte : appliquer la loi. Tous les responsables astreints à la déclaration de leurs biens doivent sacquitter immédiatement de leur devoir et que la justice fasse le sien. De plus, tous les gestionnaires dun budget quelconque et tous les élus, doivent se joindre volontairement à eux. Cest la seule voie pour eux de prouver leur bonne foi et de sauver leur honneur. Ce geste est une exigence du peuple de Guinée et la condition sine-que non de la renaissance de la Guinée, après 60 ans pendant lesquels les élites ont complètement pillé le pays et acculé la population à une misère indescriptible. Laccomplissement de ce devoir civique sera la ligne de partage qui séparera les vrais patriotes des ennemis du peuple qui se nourrissent de sa sueur et de son sang. LUFD est prête à sassocier à toute action citoyenne de la société civile et des bonnes volontés de tous horizons pour sauver notre pays en pleine décomposition morale et physique.
Nous en profitons pour rendre hommage au Conseil National de Transition (CNT) qui a doté la Guinée en 2010 de cette constitution amendée et qui empêche tant de prédateurs de dormir tranquille, car ils le savent, la colère du peuple gronde.
Fait à Conakry, le 28 juin 2018
Pour le Bureau Exécutif National
Le Président
Mamadou Baadiko BAH
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