Une rencontre au sommet et presque les pieds dans l’eau. Emmanuel Macron reçoit lundi 19 août le président russe Vladimir Poutine au fort de Brégançon (Var), résidence estivale officielle du chef de l’Etat, pour balayer les grands dossiers diplomatiques en amont du sommet du G7 le week-end prochain.
Après des déclarations à la presse, les deux dirigeants, qui s’étaient vus pour la dernière fois au G20 d’Osaka (Japon) fin juin, aborderont les différentes crises qui secouent le monde. Franceinfo revient sur les raisons qui ont poussé le président français à convier son homologue au bord de la Méditerranée, pour un échange qui n’a d’informel que le nom.
Pour continuer de réchauffer des relations parfois tendues avec Moscou
L’entente entre Emmanuel Macron et Vladimir Poutine ne tombait pas sous le sens. Lors de la campagne présidentielle française de 2017, l’homme fort de la Russie avait d’abord loué les qualités de François Fillon, qualifié de « grand professionnel » et de « négociateur ardu », avant de finalement recevoir Marine Le Pen à Moscou quelques semaines avant le premier tour du scrutin.
« Lors de son arrivée au pouvoir, Macron a d’abord été vu avec perplexité », analyse auprès de Libération la politologue russe basée en France Tatiana Stanovaya. « Trop inexpérimenté, faible et dépendant des Etats-Unis… Les Russes ne voyaient pas d’avancée majeure possible avec lui. » A son arrivée à l’Elysée, Emmanuel Macron décide pourtant de jouer la carte de la surprise en invitant le président russe au château de Versailles. Une visite pleine d’égards, mais au cours de laquelle il n’hésite pas à critiquer les arrestations d’homosexuels en Tchétchénie ou à qualifier d’« organes d’influence et de propagande mensongère » les chaînes Russia Today et Sputnik, financées par le Kremlin.
Depuis, au nom du « pragmatisme » prôné à l’international par le chef de l’Etat, Paris envoie des signes de rapprochement à Moscou sur certains dossiers, tout en critiquant l’action du Kremlin dans d’autres. « Ce n’est pas parce que nous avons des divergences avec la Russie qu’il ne peut pas y avoir de discussion », résume une source élyséenne au Figaro, pour qui Emmanuel Macron souhaite mettre en place « dans le temps long, un dialogue de confiance exigeant, ambitieux, mais sans naïveté ni compromission ».
Autre signe de bonne volonté : Edouard Philippe a reçu son homologue russe Dmitri Medvedev au Havre en juin. De son côté, la justice russe a libéré le banquier français Philippe Delpal, détenu depuis février sous l’accusation de fraude et désormais assigné à résidence, dont le sort avait été évoqué à plusieurs reprises par Emmanuel Macron avec le président russe. Un moyen « d’éliminer un point de crispation » entre les deux chefs d’Etat, estime Le Figaro.
Pour avancer sur les dossiers chauds à l’international
Avec la rencontre de lundi, Emmanuel Macron tente d’abord d’arrimer Vladimir Poutine dans le multilatéralisme et les débats qui animeront le prochain sommet du G7, groupe dont est exclue la Russie depuis l’annexion de la Crimée en 2014. Et ces dossiers sont nombreux.
Le premier de ces sujets concerne l’Ukraine, où les combats ont baissé en intensité après les accords de Minsk II en février 2015 mais continuent de faire régulièrement des victimes. L’arrivée au pouvoir en avril du président Volodymyr Zelensky est perçue par Paris comme porteuse d’opportunités pour avancer vers un règlement du conflit autour des provinces séparatistes prorusses d’Ukraine. « La fenêtre de tir pour parvenir à quelque chose, c’est maintenant », juge Arnaud Dubien, directeur de l’Observatoire franco-russe à Moscou, cité par Libération. « Si rien de concret n’émerge de cette réunion, on ferme le ban pendant un long moment. »
L’autre dossier chaud concerne la Syrie, en particulier la région d’Idleb où le régime syrien poursuit son offensive, appuyé par l’aviation russe qui bombarde les positions rebelles. Paris dit prudemment vouloir demander à Vladimir Poutine d’« user de son influence » sur Damas pour cesser l’offensive. « Un nouveau sommet quadripartite (Russie-France-Allemagne-Turquie) sera peut-être évoqué » sur ce sujet, selon le Kremlin.
Dernier sujet brûlant : l’accord avec l’Iran sur le nucléaire, torpillé par le retrait américain annoncé au printemps 2018 par Donald Trump. Emmanuel Macron voudrait obtenir de son invité, également membre de l’accord, qu’il enjoigne à Téhéran de respecter ses obligations de ne pas enrichir d’uranium.
Pour se placer comme figure de proue de la diplomatie occidentale
En invitant Vladimir Poutine au fort de Brégançon, Emmanuel Macron espère enfin s’imposer comme la voix de « l’équilibre » sur la scène internationale, analyse Le Figaro, pour qui la France a théoriquement « un boulevard pour s’exprimer » en raison de « l’état de la diplomatie occidentale ».
Face à un Donald Trump qui joue les francs-tireurs, Paris pourrait ainsi profiter de l’espace laissé par « un Royaume-Uni englué dans le Brexit » et une Allemagne qui « pâtit d’une chancelière au leadership affaibli », ajoute Libération. « La réalité, c’est que la Russie est un voisin important avec lequel nous avons des liens anciens et des intérêts communs. Si Emmanuel Macron ne prend pas l’initiative, qui le fera ? » résume au quotidien de droite une source élyséenne.
Francetvinfos
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