Après le départ des dernières troupes américaines dans la nuit de lundi à mardi, les talibans semblent s’organiser pour la suite en Afghanistan. De nombreux défis attendent les talibans alors que leur système de gouvernance n’est pas encore mis en place et que le mouvement, sorti vainqueur de la plus longue guerre dans l’histoire des États-Unis, poursuit sa quête de légitimité sur la scène internationale.
« L’Amérique ne devrait avoir qu’une présence diplomatique à Kaboul », a voulu clarifier le porte-parole du mouvement taliban après le départ des dernières troupes américaines. Si les talibans ont remporté la guerre contre les États-Unis et leurs alliés, ils semblent vouloir rapidement normaliser leurs relations.
« Nous attendons d’eux qu’ils rouvrent leur ambassade à Kaboul et nous voulons également avoir des relations commerciales avec eux », a ajouté Zabiullah Mudjahed. Celui-ci appelle d’ailleurs à la réouverture des ambassades étrangères. Un membre de la commission culturelle afghane citée par des médias afghans assure que l’Afghanistan ne sera pas utilisé contre les pays du monde, y compris ceux de la région. « Le monde devrait reconnaître le gouvernement afghan et coopérer avec nous pour la reconstruction et les investissements », a-t-il déclaré.
Le gouvernement taliban n’était reconnu que par trois pays lors de son régime entre 1996 et 2001 : L’Arabie Saoudite, le Pakistan, et les Émirats Arabes Unis. Les chefs du mouvement veulent une reconnaissance internationale plus large cette fois-ci. Avant la prise de Kaboul le 15 août dernier, 36 pays avaient une représentation diplomatique dans la capitale afghane.
Le terrorisme, une crainte pour les voisins régionaux
Dans la région, les talibans réveillent de vieilles peurs. Le retour au pouvoir du mouvement en Afghanistan rappelle de mauvais souvenirs aux voisins ex-soviétiques en Asie centrale, qui craignent un mélange de crises de réfugiés et de menace jihadiste, estimant que des « combattants déguisés » pourraient se cacher parmi ces populations.
« Les premiers inquiets de ce qui est en train de se passer en Afghanistan sont les États de la région parce qu’il y a une proximité géographique qui pourrait faciliter la diffusion du terrorisme. Et parmi les États les plus inquiets, il y a l’Inde, parce que dans la vision indienne, les talibans ont été et sont toujours soutenus par une partie de l’appareil sécuritaire pakistanais », explique Marc Hecker, directeur de recherche à l’Institut français des relations internationales (IFRI).
Les voisins de l’Afghanistan craignent notamment que des groupes pakistanais profitent de la situation en Afghanistan pour « se former sur place, planifier des attentats sur place et ensuite, projeter du terrorisme », rajoute l’expert.
Une économie fragile et une population inquiète
Côté économique, la situation afghane constitue un défi de taille pour le nouveau régime, qui va devoir trouver les fonds pour verser les salaires des fonctionnaires et maintenir en état de marche les infrastructures vitales (eau, électricité, communications). « L’économie de l’Afghanistan se caractérise par sa fragilité et sa dépendance à l’aide » internationale, relève la Banque mondiale.
Selon plusieurs analystes, la pression économique pourrait nourrir le mécontentement d’une partie de la population qui avait pu bénéficier au cours de ces vingt dernières années d’une hausse du niveau de vie, du moins dans certaines villes.
D’autant plus que les déclarations des talibans visant à rassurer la population sur la politique intérieure du mouvement peinent à convaincre. En témoigne les milliers de personnes qui ont désespérément tenté de quitter le pays lors du pont aérien mis en place à l’aéroport de Kaboul ces dernières semaines ou via les frontières terrestres.
Rfi